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Les (é)cri(t)s de Bibi
11 février 2007

Jeanne (2)

Jeanne s'observe : comment va-t'elle se coiffer? Laisser ses cheveux libres, ou les relever en chignon? La première solution paraît peu pratique, d'autant qu'une femme de son âge sort rarement dans la rue ainsi. Elle ne veut pas jouer aux demoiselles, ce serait ridicule. Pourtant, l'idée d'adopter pour cet après-midi si spécial la coiffure du quotidien ne l'enchante pas.


Une idée... Ouvrant un petit tiroir dissimulé, elle fouille un instant puis sort délicatement un pic à cheveux en argent, serti de plusieurs grenats. Elle entortille l'ensemble de sa chevelure en un gros chignon un peu lâche, le fixe à l'aide du pic et s'applique enfin à laisser quelques mèches s'échapper sur les côtés, encadrant son doux visage.
Elle se surprend à vouloir plaire à Joseph, comme à 20 ans! Pourvu qu'il ne la trouve pas trop apprêtée... Déjà, elle avait été étonnée qu'il la reconnaisse instantanément, quelques jours plus tôt, quand le destin l'avait mis sur son chemin quotidiennement emprunté. Pourtant, tant d'années s'étaient écoulées...
Un soupçon de rouge à lèvres d'un rose discret vient raviver sa bouche ridée par le temps. Jeanne hésite à rehausser ses pommettes de fard à joues; est-ce trop? Elle ne voudrait pas ressembler à l'une de ces "poules" trop fardées, comme elle les appelle intérieurement, qu'elle croise parfois le soir sur la place de la ville.

Le miroir lui renvoie l'image d'une autre elle-même; une femme qu'elle a du mal à reconnaître... Mais le résultat ne lui semble pas si mal. Et puis après tout, ce n'est qu'une rencontre amicale, une simple occasion de se remémorer les souvenirs de jeunesse, de se raconter ce qu'a été leur vie sans l'autre!
Au salon, la pendule sonne les trois quarts. La vieille dame doit maintenant se presser pour rejoindre Joseph; il lui a donné rendez-vous à 17 heures au salon de thé de la Grande Rue.


Son manteau posé sur ses épaules frêles, elle sort de la maison et ferme la porte à clé. Elle réalise soudain qu'elle tremble un peu; la clé peine à trouver la serrure. La joie, l'émotion, la peur, elle ignore laquelle de ces émotions la submerge le plus. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'a plus 20 ans, et la distance qui la sépare de son ancien amour lui semble bien longue en cette fin de journée.
Passant devant les vitrines, elle est satisfaite du reflet qu'elle y aperçoit.
Elle se dit que peut-être, Joseph la trouvera jolie...
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