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Les (é)cri(t)s de Bibi
12 juillet 2007

Comme tous les matins, je la lave, je l'habille,

 

alzheimer

Comme tous les matins, je la lave, je l'habille, je lui brosse les dents et la coiffe.
Comme tous les matins elle tremble, des secousses incontrôlées s'emparent de son corps. Elle a froid, oui. Mais pas seulement. Ce matin elle est particulièrement réticente à se déshabiller et faire sa toilette. Son regard est plus inexpressif encore qu'à l'accoutumée. Je la sens hostile à mon égard. Elle baisse la tête et me tourne le dos; j'utilise toute la douceur dont je suis capable pour obtenir sa coopération. J'ai du mal à lui enlever son pyjama, elle résiste, dit "Non, non!". Je dois faire preuve de fermeté, un peu, comme s'il ne s'agissait que du caprice d'une enfant. Mais cette enfant a un peu plus de soixante ans et elle n'a pas choisi de ne plus être elle-même. Elle subit la loi de la maladie qui a mis un terme à sa vie "normale".

Je l'observe, elle m'émeut, petit bout de femme qui ne se regarde même plus dans le miroir quand je brosse ses cheveux. Pour quoi faire? Elle ne s'y reconnaîtrait peut-être déjà plus. Elle semble coupée d'elle-même, comme si son âme avait déserté son enveloppe charnelle. Comme une marionnette docile, elle se laisse habiller, ses yeux fixant le vide. Je me demande ce qui peut bien se passer dans sa tête. A-t'elle encore une pensée cohérente? Se rend-elle compte de sa déchéance progressive et inéluctable? Est-ce le noir complet dans son esprit, le néant? De quoi se souvient-elle exactement?

Je me pose toutes ces questions quotidiennement, et à la fin, à chaque fois, une seule certitude : je ne veux pas finir ma vie comme ça. Sauf que si Alzheimer décide de s'installer en moi, je n'aurai pas le choix.

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Commentaires
M
"pourquoi suis-je si belle ?<br /> parce que mon maitre me lave"<br /> Paul Eluard, Capital de la douleur.<br /> <br /> Je ne sais pas qui est Elle, pour toi.<br /> Je ne sais pas si c'est fiction ou realité.<br /> Mais les mots sont justes, <br /> et la defense est le detachement. <br /> Moins humain pour le rester.<br /> <br /> Merci de ta visite, je ne regrette pas la mienne.<br /> <br /> T.
N
bisous
P
J'ai vécu en 2006 les derniers mois de ma mère qui me disait bonjour monsieur.<br /> Dur à dire, mais sa mort fut un soulagement.
M
pour être honnête, c'est le genre de réflexion que je fuis... par peur en partie mais aussi parce que je n'ai pas la moindre idée de comment réagir. Il est difficile de discuter de cela avec tous les êtres aimés de son entourage afin de connaître leur position et volonté la dessus. Pi je préfère me voiler la face. Quel texte !
G
Votre texte transmet à la fois amour, fermeté et le devoir de lutter face à l'implacabilité de la maladie qui de toutes les façons est là ; mais aussi beaucoup de questions, puisque la malade ne peut plus exprimer ce qu'elle ressent. C'est toujours douloureux d'avoir des questions qui restent sans réponse...
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