J'ai une relation particulière, presque
J'ai une relation particulière, presque sensuelle, avec les livres. Merveilles des merveilles.
C'est une passion; l'amour de l'objet, avant même son contenu. Un plaisir à plusieurs dimensions qui sollicite les sens. Pour commencer, la vue. Le choix est vaste : couvertures colorées ou non, l'attrait de l'illustration ou de la photo, ou simplement de la forme des caractères employés. L'intense bonheur de découvrir le petit résumé de la quatrième de couverture, une mise en bouche dont je me délecte à chaque fois. Ensuite, le toucher prend le relais... J'aime intensément caresser du plat de la main la surface lisse, puis passer le pouce horizontalement sur la tranche pour séparer les pages d'un geste rapide... Ouvrir le livre en grand, en plein milieu, n'importe où. Laisser mes doigts courir librement sur la douceur du papier, l'effleurer délicatement comme je le ferais d'une peau aimée. Fermer les yeux et approcher mon nez, l'enfouir au creux de l'ouvrage et respirer l'odeur caractéristique du papier neuf. Voilà bien l'une des choses capables de me rassurer : l'odeur du papier fraîchement imprimé.
Et puis, et puis... Une fois que l'objet s'est livré physiquement, il me reste à découvrir son âme : pénétrer dans l'esprit de l'auteur, découvrir petit à petit l'histoire, voir se dérouler sous mes yeux des milliers de mots, comme un ruban sans fin... Je laisse courir mon imagination pour mettre des images sur les mots, des visages sur les personnages. Je me régale tellement des mots qu'il m'arrive parfois de lire à haute voix, juste pour le plaisir de la musique que donnent les différentes intonations prises, selon que je suis narratrice ou l'un des protagonistes de l'histoire.
Quand je lis, il est inutile de m'adresser la parole; la Terre pourrait s'effondrer sous moi, que je ne le sentirais pas. Mon esprit est ailleurs, embarqué sur une mer de lettres, un océan de mots dont je ne peux m'arracher que difficilement. Le retour à la réalité est toujours trop brusque. Lorsque je pense à la quantité incalculable de récits différents qu'il est possible d'écrire, sous toutes les formes possibles et imaginables, je me dis que l'écriture est de loin la plus belle invention de l'homme.