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Les (é)cri(t)s de Bibi
12 février 2007

Ferryboat

A quoi penses-tu?
Je te vois, accoudé au bastingage depuis un moment , cheveux aux vents et l'air absent. Je suis assise sur un banc, quelques mètres derrière toi, et je t'observe intensément. Toi, tu ne m'as pas vue, me croyant toujours réfugiée, frigorifiée, à l'intérieur du ferry qui nous emmène vers l'Angleterre. Débarquement prévu dans trois heures à Newhaven, puis un long trajet en voiture jusqu'à Londres.
Londres! La ville de la dernière chance, celle qui verra peut-être s'éteindre définitivement la flamme. A moins que, par un curieux retournement de situation, l'on puisse profiter de cet ultime voyage pour renouer le lien si ténu qui fait encore de nous "un couple". Ce terme m'amuse, car de couple nous n'avons plus aujourd'hui que le nom.

Tu fronces les sourcils, ces beaux sourcils parfaitement dessinés qui, associés à tes beaux yeux bruns, m'ont fait tourner la tête il y a... Il y a combien de temps, au fait? Les années ont passé, insidieusement, sournoisement, endormant nos élans, engloutissant dans le ron-ron du quotidien la passion dévorante qui nous a animé pendant tellement longtemps. C'est sûr, nous provoquions l'admiration de notre entourage! Un couple qui dure, de nos jours, est une espèce rare, en voie de disparition; d'ailleurs, nous étions nous-mêmes convaincus d'être à l'abri de la lassitude. Et nous en avons oublié de les compter, ces années, comme si après une décennie de relation, le temps ne signifiait plus rien.
Et pourtant! Pourtant tout est de sa faute. C'est lui qui a fait de notre amour cette parodie absurde que nous jouons quotidiennement depuis un an.

C'est peut-être à ça que tu penses, le regard perdu dans les flots houleux qui nous transportent vers un avenir incertain, et je me dis que c'est probablement la seule chose qui nous rapproche encore : la certitude que le meilleur de "nous" est passé.
Je tousse, j'ai froid. Mais tu ne m'entends pas, tu ne me sens pas, assise derrière toi à attendre. Attendre quoi, au juste? Je ne sais plus moi-même. Je sais seulement que ce qui nous arrive, nous ne le méritons pas. Nous avons joué le jeu depuis toujours sans heurts ni blessures, dans un bonheur simple qui aurait dû nous mener tranquillement vers la fin de notre vie. Le temps est injuste et impitoyable; nous non plus, il ne nous aura pas épargnés.
Je pleure de rage, silencieuse et prostrée. Je ne crois plus en rien.


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Commentaires
B
Dans ma tête : de nos jours...
P
je me demande... <br /> <br /> dans quelles années cela se passe....
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